Nova et Vetera, n. 89, 3 / 2014

 

Éditorial : Substitution des droits de l'individu aux droits de l'homme

Nova et Vetera

L'Éditorial tente de porter un diagnostic sur certains éléments du processus de mutation affectant depuis quelques décennies la substance de nos démocraties. Parmi ces éléments figure, entre autres, la tendance toujours plus marquée à privilégier, dans les décisions législatives, les droits « en situation » se référant à des circonstances particulières de l'existence, plus qu'à l'homme en tant que tel : droits des mineurs, des anciens, des malades, des consommateurs, etc. En soi, cette évolution est positive, pour autant qu'elle découle d'une attention plus vive à des besoins et à des exigences de certaines personnes. Mais cette tendance est accompagnée du risque de perdre de vue l'horizon de l'humanum, de l'humanité de l'homme, exprimé depuis 1948 dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme, et dont les droits particuliers tiennent leur justification. Les choses se passent comme si ce qui n'est qu'un risque laissait de plus en plus la place à l'oubli et à la négation, de sorte que le sujet de droit devient l'individu défini par sa liberté individuelle.

 

Baptisés dans la mort du Christ

✠ Georges Card. Cottier, OP

En confrontation directe aux aspirations à l'Absolu qui soulèvent notre esprit, la mort est un scandale. De cet empire de la mort sur la conscience humaine témoignent aussi bien l'Ancien Testament que la pensée païenne. Mais la pensée religieuse ne s'est pas arrêtée à cette première constatation. Elle a perçu qu'à elle seule la nature humaine ne suffit pas à rendre compte du scandale : elle a reconnu, derrière la mort, une mort plus profonde, le péché, la forme radicale du mal, qui a sa source dans la liberté des créatures de nature spirituelle. À partir d'une réflexion d'ordre anthropologique, par laquelle il relève quelques aspects du caractère paradoxal de la mort au niveau de la nature humaine, l'auteur passe à montrer comment l'initiative divine a transformé la souffrance et la mort en instruments de l'amour divin lui-même, nous apportant libération et participation à la vie divine. Le Nouveau Testament et la théologie spirituelle de saint François de Sales conduisent la méditation de l'auteur sur le sens de la mort et sa transformation en instrument de salut par la passion rédemptrice et la résurrection du Christ.

 

Qu'est ce que la « communion trinitaire » ?

Gilles Emery, OP

La notion de « communion trinitaire » est aujourd'hui souvent employée dans de nombreux contextes. Saint Thomas d'Aquin n'emploie pas la formule « communio trinitaire » ni l'expression « communio de la Trinité ». Cette étude examine d'abord le vocabulaire trinitaire associé à la communion puis elle montre que, chez saint Thomas, la communion trinitaire revêt deux dimensions principales : (1) la communion des trois personnes dans l'unique substance divine, c'est-à-dire la consubstantialité de la Sainte Trinité ; (2) la communion du Père et du Fils dans leur Lien d'Amour qui est le Saint-Esprit, ou l'union des trois personnes divines par une « société d'amour qui est le Saint-Esprit ». Ce résultat est mis en rapport avec la doctrine de la mutuelle co-immanence des personnes divines (périchorèse) puis avec certaines mentions significatives de la communion trinitaire dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique.

 

Un bilan du dialogue entre anglicans et catholiques

Mgr Charles Morerod, OP

Depuis la rencontre historique du pape Paul VI et de l'archevêque de Canterbury Michael Ramsey, le 23 mars 1966, anglicans et catholiques se sont engagés dans un dialogue œcuménique qui a fortement retenu l'attention des théologiens bien au-delà des deux confessions concernées. Dans son article, l'auteur esquisse un bilan de ces 40 dernières années de dialogue international organisé qui a porté catholiques et anglicans à se confronter sur de thèmes centraux tels que l'eucharistie, le ministère, l'autorité dans l'Eglise, la liturgie, la morale, la Vierge Marie. De ce bilan il ressort, entre autres, que ces décennies de dialogue ont permit aux catholiques, d'une part, à mieux connaître les anglicans et à leur parler fraternellement aussi de leurs désaccords et, de l'autre, à prendre mieux conscience de différences qui existaient depuis longtemps, mais étaient masquées par de vrais points communs sur lesquels le désir catholique d'unité se fixait toutefois de manière trop exclusive.

 

Actualité du message révélé selon Charles Journet

Guy Boissard

Les termes du message du Christ, tel qu'il a été transmis jusqu'à nous, correspondent-ils avec les faits et les paroles qui se sont manifestés aux moments de l'histoire où le message est apparu ? Face à la mise en doute de l'authenticité du message révélé se manifestant aujourd'hui à l'intérieur du monde chrétien, l'auteur nous présente une synthèse de la réponse donnée par Charles Journet dans son ouvrage Le Message révélé paru pour la première fois en 1964. En parcourant la réflexion élaborée par le futur cardinal sur la nature de ce message, la manière dont il a été reçu par les apôtres, transmis à l'Église primitive et conservé dans l'Église postapostolique et en s'appuyant sur des textes évangéliques, l'auteur développe ensuite une méditation personnelle sur les conditions permettant encore aujourd'hui à recevoir dans notre âme et intelligence le message révélé en toute sa pureté et intégrité.

 

Charles Journet et Ernest-Bernard Allo : autour de quatre questions bibliques (1918-1924)

Abbé Jacques Rime

Quelques années avant sa rencontre décisive avec Jacques Maritain, Charles Journet entra en contact avec le dominicain Ernest-Bernard Allo (1873-1945), professeur de Nouveau Testament à Fribourg et ami du père Marie-Joseph Lagrange de l’École biblique de Jérusalem. Il s’ensuivit un échange de correspondance assez riche, où l’on voit le jeune vicaire recevoir des conseils exégétiques circonstanciés, à commencer par les récits de la résurrection du Christ et la critique d’une vie de Jésus selon la méthode psychanalytique. Charles Journet avait trouvé en Ernest-Bernard Allo un maître et même un accompagnant spirituel. Il est très certain qu’il ait admiré en lui le savant positif qui, au cœur même de l’évolution exégétique, savait considérer les questions de haut en les reliant à la théologie et à la foi.

 

Existence de Dieu et astrophysique

Laura Freysinger

Depuis toujours, l'homme s'interroge sur l'existence de Dieu. Or, cette interrogation n'est pas seulement une question de foi : elle bouleverse l'existence de l'homme, qui est amené à s'interroger sur le sens de sa propre vie. En effet, si l'être humain sait que Dieu existe, sa vie prend alors un sens absolu et non plus relatif. Un moment décisif de cette histoire est constitué par le XIIIe siècle : en s'appuyant sur les effets que nous découvrons dans le monde, saint Thomas d'Aquin développe cinq voies possibles pour démontrer que Dieu existe. Cette démonstration permet de clarifier la question de l'existence de Dieu et d'offrir le cadre métaphysique adéquat pour y répondre. Le point de départ de la cinquième voie, par l'ordre du monde, trouve aujourd'hui un allié inespéré dans l'astrophysique, laquelle fait saisir de manière tout à fait nouvelle l'organisation profonde du monde dans lequel nous vivons. Reste à interpréter métaphysiquement ces découvertes surprenantes.

 


 

Notes et Lectures 

Christus Magister dans les commentaires évangéliques de saint Thomas d'Aquin

Gilles Emery, OP

L'enseignement du Christ n'est pas seulement une disposition ou un préalable à son agir sauveur, mais il fait partie intégrante de sa mission de salut. Le livre de P. Klimczak étudie ce thème dans les commentaires de saint Thomas d'Aquin sur les évangiles de saint Jean et de saint Matthieu. On y découvre la place centrale que le Christ maître (le Christ enseignant) occupe dans la christologie et la sotériologie de ces commentaires bibliques. Le Christ nous sauve par sonenseignement. Saint Thomas résume ainsi l'œuvre du Christ : « Le Christ a accompli deux choses en ce monde. Il a d'abord enseigné la vérité, en invitant et appelant à la foi (...). Ensuite, il a mené la vérité elle-même à son achèvement en nous ouvrant par sa passion la porte de la vie, nous donnant ainsi le pouvoir de parvenir à la vérité achevée ».

 

Bibliographie

Éliane Poirot, Saint Antoine le Grand dans l'Orient chrétien ‑ Évagre le Scolastique, Histoire ecclésiastique, Livres IV-VI ‑ Allen P. Ross, A Commentary on the Psalms, Volume 1 (1-41), Volume 2 (42-89).

 

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