Nova et Vetera, vol. 92, 3 / 2017

Nova et Vetera, n. 92, 3 / 2017

 

Le mystère des choses

François-Xavier Putallaz

« Le contemplatif n’est pas celui qui découvre des secrets ignorés de tous, mais celui qui s’extasie devant ce que tout le monde sait. » Ce mot splendide d’un chartreux sert de fil conducteur. En effet, que signifie contempler les choses ? On y propose ici trois degrés de profondeur. D’abord on observe, on entend, on touche, mais au-delà des données sensorielles, l’être humain, tout corps et tout âme, met en œuvre à la fois la sensation et l’intelligence qui dévoile l’essence même des choses : cet essentiel est invisible pour les yeux.
En un deuxième degré de profondeur, le contemplatif atteint non plus l’essence universelle, mais l’individualité concrète des choses : c’est cette montagne que l’on admire, ce brin d’herbe qui se montre, cette personne que l’on aime.
En un troisième degré de profondeur, le contemplatif s’extasie devant le fait que tout cela existe. Le plus surprenant, c’est l’existence de cette mésange qui chante, et nos amis et nous-même qui sommes maintenus dans l’être.
Ainsi se dégage un cheminement vers le mystère des choses.

Intellectus et ratio

Georges Cottier, OP

Dans cette étude, le père Georges Cottier se propose de montrer si et comment la distinction entre intellectus et ratio peut apporter une contribution à la réflexion philosophique sur la connaissance proprement humaine. Après avoir précisé le sens de ces deux termes, l’auteur examine ensuite la problématique de leur distinction dans la pensée de Thomas d’Aquin. En suivant l’enseignement de l’Aquinate, l’auteur montre ainsi que l’articulation de ce deux modes de connaître ne s’explique qu’en tenant compte de la double profondeur de la connaissance humaine : la connaissance sensible et la connaissance intellectuelle. Une telle approche aide à situer de manière critique aussi bien le pur intellectualisme du courant cartésien que le sensualisme d’origine lockienne, deux conceptions qui ont caractérisé la réflexion gnoséologique de l’époque moderne.

Un amour sauvé : la forme pascale de la vie conjugale

Alexandra Diriart, CSJ

La figure du Christ ressuscité s’abaissant pour relever Adam et Ève évoque la grâce pascale qui visite le couple humain jusqu’en ses enfers. En partant des récits de la résurrection, cet article met en valeur la forme pascale de l’existence conjugale. En effet, les récits évangéliques de la résurrection montrent que l’expérience du mystère pascal revêt souvent la forme première d’une déception ou d’une mort à soi à travers le lâcher prise des projections, attentes humaines ou de sa propre image idéalisée pour devenir ensuite le lieu de l’accès à la révélation du Mystère du salut et à la confession pascale. Cette aventure intérieure qui a souvent été décrite par les spirituels comme l’expérience de la nuit obscure, inséparable de l’entrée dans la vraie connaissance de soi, rejoint l’expérience d’une certaine nuit de l’existence conjugale d’où jaillit un appel à la foi et au salut. Toute vie de baptisé est immersion pascale dans la mort et la résurrection du Christ (Rm 6,4-5, Col 3,1-3), chaque état de vie selon sa modalité propre. Cet article veut montrer que la forme pascale du mariage chrétien se tient dans l’indissolubilité de l’una caro, c’est-à-dire dans la forme d’un don total de soi dans la chair qui est participation réelle à l’amour du Christ pour son Église : mort à soi qui devient mort pour l’autre dans le Christ, et jaillissement fécond de la vie du ressuscité.

Eschatologie et purgatoire

Bertrand Lesoing

Le renouveau eschatologique du XXe siècle semble avoir sciemment laissé de côté la question du purgatoire, désormais abandonnée aux historiens. Mais l'étonnante capacité de résistance de ce dogme de foi résonne comme une invitation à se ressaisir de la question. Il ne s'agit pas de chercher une quelconque synthèse par trop artificielle entre le traité classique « De novissimis » et un cadre théologique qui lui serait devenu étranger, mais de redécouvrir dans la doctrine du purgatoire, peut-être trop longtemps isolée, un élément en lien plus étroit qu'on ne l'imaginerait avec les fondements de la foi chrétienne. À la lumière du mystère pascal, le purgatoire peut retrouver un sens, non seulement en théologie, mais également dans la spiritualité chrétienne. Une juste appréciation du purgatoire s'avère au demeurant nécessaire pour maintenir – ou rétablir – des liens entre des réalités souvent dissociées.

“C’est Moi, n’ayez pas peur !” Regards sur notre monde, ouvert ou fermé à la grâce

Dom Samuel

Les temps sont rudes : Dieu a confié aux chrétiens, à l'Église, d’annoncer la Bonne Nouvelle dans un monde qui, au moins dans sa partie occidentale, s’enfonce dans l’indifférence et qui affronte des tensions de toutes sortes. Sur un ton qui se veut enraciné dans l’Espérance, avec une note de poésie qui déroule quelques faits illustrant son propos pour le rendre concret, Dom Samuel, abbé trappiste de Nový Dvůr en République tchèque, développe une argumentation philosophique, biblique et théologique, en vue d’élargir le regard que nous posons sur notre époque et sur nos responsabilités, afin de les aborder dans leur dimension spirituelle.

Progrès : un mythe pour le développement ?

Fabrice Hadjadj

Texte de l’allocution prononcée le 4 avril 2017 lors du colloque organisé par le Dicastère pour le service du développement humain intégral à l’occasion des 50 ans de la lettre encyclique Populorum progressio (Cité du Vatican).

 


 

Notes et Lectures

Bibliographie

Salomon Malka (éd.), Le dictionnaire Franz Rosenzweig, Une étoile dans le siècle ‑ Bernard Pouderon, Enrico Norelli (éds.), Histoire de la littérature grecque chrétienne des origines à 451 ‑ Gérard Colin (éd.), Saints Fondateurs du Christianisme Éthiopien : Frumentius, Garima, Takla-Haymanot et Ewostatewos ‑ Pierre Sourisseau, Charles de Foucauld, 1858-1916, Biographie ‑ Maurice Borrmans, Prier quinze jours avec Louis Massignon, Islamologue ‑ Danièle Hervieu-Léger, Le temps des moines, Clôture et hospitalité ‑ Sylvie Garoche, Le Christ contemplé par les peintres.