Nova et Vetera, vol. 92, 4 / 2017

Nova et Vetera, n. 92, 4 / 2017

Éditorial : Un accueil mathématique de la personne ?

+Charles Morerod, OP

Quelle attitude est demandée au pasteur de l’Église face aux personnes qui se trouvent dans une situation autre que l’idéal sur le mariage prêché par l’Église ? À partir de l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia et d’autres textes du pape François, l’éditorial rappelle que l’accueil aimant de ces personnes et la prise en considération de leur histoire personnelle concrète sont, pour le pasteur qui doit les aider dans leur chemin vers la sainteté, des exigences aussi nécessaires et évangéliques que l’appel à la conversion et au don total de soi.

Providence divine, ange gardien et dignité de la personne humaine

Serge-Thomas Bonino, OP

Selon saint Thomas d’Aquin, la Providence est à la fois universelle et diversifiée. Elle prend un soin tout particulier des créatures spirituelles, c’est-à-dire des personnes angéliques et humaines, dans la mesure où elles participent à la permanence des réalités incorruptibles et contribuent directement au bien commun de l’univers qui est la fin poursuivie par le gouvernement divin. La doctrine traditionnelle de l’ange gardien assigné à chaque personne humaine encore en chemin manifeste ce soin tout particulier de la Providence. Elle met en relief l’éminente dignité de chaque personne humaine, tout comme celle de la personne angélique associée par Dieu à l’œuvre du gouvernement divin.

La personne humaine et l’action

Michel Ferrandi

La subsistence immatérielle, caractéristique de la personne – son âme subsiste immatériellement –, est la raison de la riche spécificité de l’action humaine. L’homme agit comme un soi, il est le principe suffisant de l’action qu’il pose dans l’être. Il n’agit pas déterminé par l’extérieur, ni par un principe intérieur rivé à la matière. Cette subsistence immatérielle confère à l’homme le libre-arbitre et fait de lui un soi qui agit par lui-même. Mais il faut voir aussi la personne de façon dynamique, c’est-à-dire la personnalité comme quelque chose à réaliser. La personnalité qui est au fond de moi par la subsistence immatérielle m’est donnée de telle manière que je suis en charge de l’établir fermement dans mon agir. J’ai à devenir une personne accomplie. Cette réalisation de soi par soi se fait à travers la vertu. S’affirmer, c’est s’affermir. La vie vertueuse n’est pas une vie abstraite. Son enjeu est existentiel et c’est bien la personne en tant que telle qui s’y réalise. Mais la personnalité en moi, en vertu de sa signification transcendantale qui s’étend jusqu’à Dieu en passant par les anges, aspire à plus que la réalisation d’une nature humaine. Cette aspiration ne trouve d’authentique réalisation qu’à travers la vie de la grâce par laquelle Dieu me rend participant de sa vie. C’est en Dieu que je dois m’affermir par l’acquisition des vertus théologales et donc m’affirmer.

Charles Péguy : le risque, obstinément

Pierre Pistoletti

Il faut éviter le terme de « conversion » si l’on veut rendre compte avec finesse du tracé atypique de Charles Péguy. De fait, c’est moins une révolution qu’une croissance organique qui l’a conduit du militantisme athée à la foi chrétienne. Au principe de cette croissance, il y a ce que Daniel Halévy – contemporain et ami de Péguy – nomme le risque. « Chaque âme a son signe distinctif qui marque sa vie, sa sainteté si elle est sainte, écrit-il. Pour l’une, c’est la charité : elle veut toujours donner ; pour telle autre c’est la pauvreté : elle ne se sent jamais assez dénuée. La marque de l’âme de Péguy, son génie, c’est son risque : il ne se croit jamais assez exposé. » Ce risque a fait l’unité de la vie de Charles Péguy. Un risque qui l’a dépouillé de nombreuses sécurités sociales, professionnelles, affectives et spirituelles. Mais un risque qui lui a donné sa stature. Notre propos n’est pas de spéculer sur la sainteté de Péguy. Mais plutôt de relire le fil de sa vie pour en dégager la cohérence.

De l’urgence de lire Bossuet. À propos des Élévations sur les mystères, des Méditations sur l’Évangile et de quelques autres textes

Augustin Laffay, OP

La réédition des Élévations sur les mystères et des Méditations sur l’Évangile de Jacques-Bénigne Bossuet dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont, invite à redécouvrir, derrière le masque de l’orateur de cour, les qualités de théologien et de chrétien épris de l’Évangile du grand évêque de Meaux.
Qui peut vivre chez Bossuet, se demandait il y a un siècle, de manière très dubitative, André Suarès ? La réponse à cette question est simple : l’homme qui croit, comme Bossuet, que le verbe humain doit être mis au service exclusif du Verbe fait chair.


Léon Bloy. Sainteté d’un pamphlétaire ?

Henri Quantin

La présentation du volume Essai et Pamphlets réunissant un nombre considérable d’œuvres de Léon Bloy, publié récemment dans la collection « Bouquins » de Robert Laffont, offre à l’auteur l’occasion de s’interroger sur la question de la sainteté de Bloy.



Notes et Lectures


Être et signifier : quand Dieu dit ce qu’il fait

Benoît-Dominique de La Soujeole, OP

Le livre de Daniel Bourgeois, Être et signifier. Structure de la sacramentalité comme signification chez Augustin et Thomas d’Aquin, s’attache à présenter la communication du salut de Dieu à l’homme en faisant fond sur les signes que Dieu donne. La thèse de l’A. est que les paroles, les gestes et les symboles assumés par Dieu le sont non seulement pour exprimer l’intention de sauver mais aussi pour sauver effectivement : le signe contient en lui-même et offre ce qu’il signifie (la grâce). La signification, non seulement mesure la réalité signifiée, mais elle l’offre réellement.

Bibliographie

Bernard Bonvin, Une expérience de spiritualité chrétienne ‑ Samuele Pinna, Davide Riserbato (éds.), Fenomeno & Fondamento. Ricerca dell’Assoluto. Studi in onore di Antonio Margaritti.