Nova et Vetera, vol. 93, 3 / 2018

Nova et Vetera, n. 93, 3 / 2018

Éditorial : Le pape à Genève

+Charles Morerod, OP

Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg reprend les points saillants des méditations du pape François lors de sa visite historique à Genève, le 21 juin 2018, à l’occasion des 70 ans du Conseil Œcuménique des Églises.

Nommer Dieu : les « trois voies » dionysiennes et leur ordre chez saint Thomas d’Aquin

Gilles Emery, OP

Lorsque Thomas d’Aquin explique notre connaissance terrestre de Dieu, il applique constamment les trois « voies » ou trois « modes » du Pseudo-Denys de l’Aréopage : nous connaissons et nous nommons Dieu par la voie de la causalité, de la négation et de l’éminence. Cependant, la lecture des œuvres de saint Thomas montre un agencement fort diversifié de ces voies qui apparaissent dans cinq ordres différents ! La lecture des textes montre que ces trois voies forment un tout indissociable. Si la causalité divine est bien le fondement de notre connaissance de Dieu, l’éminence et la négation sont intrinsèquement liées et inséparables de la causalité. Et, à la jonction de la causalité et de la négation, l’éminence exerce un rôle tout à fait déterminant dans notre connaissance de Dieu.

Plaidoyer pour les normes anthropologiques à l’occasion des 50 ans de Humanae Vitae et des 25 ans de Veritatis Splendor

Michele Schumacher

La coïncidence du cinquantième anniversaire de l’encyclique Humanae Vitae et du vingt-cinquième anniversaire de l’encyclique Veritatis Splendor se présente comme une occasion opportune pour considérer le « lien indissoluble » des significations d'union et de procréation de l’acte conjugal (HV, n°12) dans la perspective de l’unité de la liberté humaine et d’un ordre naturel du monde qui n'est pas de notre fabrication. L’enjeu est de mesurer l’action humaine en tant que telle par l’action divine, d’où l’unité entre les normes morales et les normes anthropologiques fondées dans l’ordre de la création. Tel est l’appel du pape Paul VI aux époux d’exercer une « paternité responsable », non de manière agressive par « la maîtrise et l’organisation rationnelle » de notre propre nature sexuelle — à savoir par la contraception artificielle — mais en privilégiant la « possession d’eux-mêmes » : le contrôle de nos « tendances de l’instinct et des passions » (HV, n°10) par notre raison et notre volonté, plutôt que le contrôle de la fécondité humaine par des manipulations technologiques.

Le sentimentalisme. L’ange de Descartes qui fait la bête

Michel Ferrandi

Le sentimentalisme de Rousseau n’est pas le sentimentalisme à l’eau de rose, mais c’est une philosophie qui met le sentiment au centre de la vie de l’esprit. De même que Descartes avait érigé le cogito en principe, de même Rousseau fait du sentiment le critère de vérité et de vie. Ce faisant, il renonce à la personnalité et bascule dans le culte de l’individualité.

Qu’est-ce que le bon sens ?

François-Xavier Putallaz

Il est courant de se plaindre aujourd’hui que « le bon sens se perd », et de nombreux exemples croustillants le montrent assez. La perte de bon sens induit une augmentation des règlementations, comme le canton de Zoug qui interdit quiconque de promener en laisse « plus de quatre chiens âgés de plus de six mois ». Mais il est plus difficile de définir exactement ce qu’est le bon sens, pour éviter d’y introduire de purs préjugés culturels. On peut le définir comme une « aptitude à bien juger des cas particuliers, à leur appliquer les principesde la raison pratique ». Dans ce sens, il comporte des degrés : on peut en être plus ou moins bien pourvu. Mais si on peut le perdre, pour le même motif, il est possible de le cultiver et le développer. A coup sûr, cette culture du bon sens est liée à l’éducation des cinq sens externes, notamment le bon goût. On souligne aussi les limites du bon sens, qui peut devenir une apologie de la niaiserie.


 

Notes et Lectures

Bibliographie

Saint Augustin, Les Commentaires des Psaumes (Enarrationes in Psalmos), Psaume 118, Sermons 1-14 et Sermons 15-32 ‑ Dante, La Divine Comédie – Saint-Guilhelm-le-Désert, La grâce de l’Abbaye de Gellone.