Nova et Vetera, vol. 94, 3 / 2019

Nova et Vetera, n. 94, 3 / 2019

 

L’amour de Dieu : une asymétrie radicale assumée jusqu’à l’extrême

Emmanuel Durand OP

Le livre d’Osée engage deux scénarios poignants de l’amour divin, en attente de résolution : les péripéties d’une alliance conjugale en échec et l’épreuve d’un amour parental au point de rupture. Sur ces deux registres, l’amour divin s’avère éprouvé mais vainqueur, au prix d’un retournement. Dieu aurait toutes les raisons légitimes de retirer son amour et de rompre, mais il ne le fait pas. Cette dramatique de l’amour divin dévoile une radicale différence de nature entre Dieu et son peuple, qui fait signe vers l’Incarnation. Celle-ci rend possible une réponse humaine, sans que l’asymétrie radicale entre Dieu et sa créature soit effacée.

 

Les saints de l’extrême

François daguet OP

La vie de certains saints est marquée par la présence, parfois constante au long de leur vie, de phénomènes mystiques extraordinaires, engageant leur corps ou leur esprit, et parfois les deux. Dès lors qu’ils sont établis avec certitude, ces phénomènes ne doivent pas être négligés, même s’ils suscitent de la part des fidèles l’attraction ou la répulsion selon les cas. Il n’est pas aisé de saisir le sens de ces manifestations, pourquoi Dieu les suscite, et à quelles fins elles sont destinées. On se risquera ici à suggérer quelques lumières à partir de cas avérés.

 

À propos du « code Maritain » décrit dans le livre de Frédéric Martel Sodoma.
Lettre de René Mougel à Jean-Luc Barré

René Mougel

Frédéric Martel, journaliste et sociologue, a publié en février 2019 un ouvrage intitulé Sodoma et sous-titré Enquête au cœur du Vatican. L’ouvrage a paru simultanément en huit langues sous la direction éditoriale de Jean-Luc Barré. Ce dernier est l’auteur d’une biographie de référence des Maritain : Les Mendiants du Ciel. Jacques et Raïssa Maritain. Biographies croisées (1995). Le septième chapitre de Sodoma s’attache à décrire « Le code Maritain » : une clef interprétative de l’homosexualité des clercs qu’entend dévoiler F. Martel, appuyée notamment par des propos de Jean-Luc Barré. René Mougel, directeur des Archives Maritain à Kolbsheim durant trente-deux ans, a naguère collaboré avec Jean-Luc Barré pour la préparation des Mendiants du Ciel. Il l’invite dans une lettre qu’il confie à Nova et Vetera à éclairer le public en clarifiant ses propos concernant le philosophe de Meudon tels que les rapporte F. Martel.

 

Mémoire et présence du passé dans l’affectivité

Michel Ferrandi

Le passé se conserve en nous de deux manières : sous la forme du présent, à travers les marques du passé, et sous la forme du souvenir qui est la connaissance du passé en tant que passé. La seconde manière – la mémoire – constitue une victoire sur le temps destructeur, mais ne nous libère pas automatiquement de l’emprise du passé, comme on le voit dans la nostalgie, la mélancolie et le regret excessif. Le traumatisme, lui, relève de la première forme de conservation du passé ; il est la trace toujours active – dans notre corps – d’une passion que nous pouvons avoir oubliée. Pour s’en libérer, il est nécessaire de passer par le travail de la mémoire, comme le montre Freud. Mais n’est-il pas préférable d’oublier, comme Nietzsche le préconise ? En effet, ce dernier voit dans l’oubli le remède à nos ressentiments ; mais c’est sur fond de nécessitarisme. C’est plutôt à travers la reprise, au sens de Kierkegaard et plus encore, au sens thomiste de la vertu, que l’on peut parvenir à un oubli qui soit constructif de la personnalité.

 

La vie comme mission

Fabrice Hadjadj

 

Autorité de l’école et autorité à l’école

Jean Romain

Depuis Mai 68, le processus de transmission de l’héritage culturel s’est considérablement affaibli, et cela dans de multiples domaines. L’école, lieu privilégié de cette transmission, a pâti de la remise en cause de l’autorité́ nécessaire à l’enseignement. En délégitimant le principe de l’autorité́ à l’école ainsi que celui de l’autorité́ de l’école, les cinq décennies qui ont suivi l’ont transformée en profondeur en lui faisant oublier sa mission : transmette des connaissances et en vérifier l’acquisition. La bonne nouvelle est que la pensée 68, si critique envers l’héritage, n’a pas su former ses propres héritiers. Cet article souligne quelques étapes de ce processus, et indique des voies possibles pour refonder l’autorité de l’école et l’autorité à l’école.

 


 

Notes et lectures

Certaines philosophies deviennent-elles folles ?

François-Xavier Putallaz

Selon Jean-François Braunstein, trois thèmes ne font même plus débat, tellement leur solution est devenue consensuelle : le genre (ou non-différenciation homme-femme), les droits de l’animal (ou non-différenciation homme-bête), l’euthanasie (ou droit de décider qu’une vie ne vaut pas la peine d’être vécue). Ils font même l’objet de disciplines « politiquement correctes » jusque dans le monde universitaire, qui les a affublés de titres aguicheurs : les « gender studies », les « animal studies » et la bioéthique. Le propos de son dernier ouvrage La philosophie devenue folle. Le genre, l’animal et la mort est de montrer, à l’appui de preuves issues de textes et de pratiques, que « des projets apparemment généreux conduisent à des conséquences absurdes voire choquantes. C’est ce passage des bons sentiments à l’abjection que nous voulons décrire (...) ». Cette note de lecture souligne l’excellente documentation de l’ouvrage (moins bonne sur l’euthanasie), mais relève le manque d’analyse conceptuelle qui aurait pu l’encadrer.

 

Bibliographie

Sainte Catherine de Sienne, Œuvres complètes, suivies de La vie de Sainte Catherine de Sienne par le bienheureux Raymond de Capoue son confesseur - Roland Meynet, Le Psautier, Troisième livre, Psaumes 73-89 - André Paul, Biblissimo, L’Antiquité judaïque par les livres et par les textes - Jérusalem, Histoire, Promenades, Anthologie et Dictionnaire.