Nova et Vetera, vol. 95, 1 / 2020

Nova et Vetera, n. 95, 1 / 2020


Pourquoi une liturgie ?

+ Charles Morerod, OP

L’Auteur se propose d’essayer de répondre à une question fréquemment posée en termes plus ou moins précis dans une société sécularisée et influencée par la Réforme : Pourquoi une liturgie ? Pourquoi aller à la messe ? Est-ce que prier seul en silence ne suffit pas ? La Constitution Sacrosanctum Concilium soulignait l’importance de la compréhension de la liturgie : "Il est donc de la plus grande importance que les fidèles comprennent facilement les signes des sacrements et fréquentent de la façon la plus assidue les sacrements qui nourrissent la vie chrétienne".
La condition première pour pouvoir accéder à la liturgie est de croire en Dieu et de l’aimer. Si on aime quelqu’un, on participe volontiers à une fête avec cette personne, et on l’organise avec joie. Quand il s’agit de Dieu, pourquoi cette fête devrait-elle avoir des traits apparemment si humains ? En d’autres termes : pourquoi une liturgie ?

 

Saint Thomas exégète de l’Hexaëmeron. Bible et philosophie

Serge-Thomas Bonino, OP

Les questions que saint Thomas a consacré à commenter l’Hexaëmeron (le premier récit de la création en Gn 1, 1 – 2, 4) aussi bien dans le Scriptum que dans la Summa theologiae sont souvent négligées au prétexte du caractère périmé des connaissances scientifiques qu’elles mettent en œuvre. Elles contiennent pourtant un riche enseignement, toujours valable dans ses grandes lignes, sur la Parole de Dieu, sur les principes qui gouvernent son interprétation en Église et sur les justes rapports entre exégèse et philosophie. Dans un premier temps, prenant acte du fait que, selon l’Aquinate, l’Hexaëmeron est une prophétie, cette étude tire de l’enseignement de saint Thomas sur la prophétie quelques principes d’interprétation du texte de la Genèse. Dans un deuxième temps, elle examine la manière dont saint Thomas conçoit les relations entre exégèse et philosophie, la "philosophie" étant entendue au sens large du XIIIe siècle comme l’ensemble des connaissances rationnelles, ce qui inclut de quelque manière nos "sciences" actuelles. Saint Thomas insiste sur la distinction épistémologique entre la révélation biblique et la rationalité philosophique, dont il consacre l’autonomie relative.

 

Quelle liberté là où l’on doit obéir ?

Benoît-Dominique de La Soujeole, OP

Quand la liberté est mise en relation avec l’obéissance, les modernes voient deux termes qui risquent fort d’être antinomiques. L’obéissance peut même être invoquée pour échapper à la responsabilité comme on l’a vu à la façon dont les criminels de guerre à Nüremberg se sont défendus. Mais si l’on met la liberté en relation avec le bien, le bien propre, le bien d’autrui, le bien commun et sur la façon d’y tendre compte tenu de la dignité proprement humaine, on voit alors que ces réalités s’appellent mutuellement pour donner une assise profonde à la liberté. Et alors, l’obéissance ecclésiale peut être présentée, dans son mystère, à partir de celle du Christ.

 

La liberté par effraction : le Larron sur la croix

Éric Pohlé, OP

Les premiers auteurs chrétiens multiplient les paradoxes pour attirer l’attention sur le mystère de grâce qu’éprouve l’un des deux condamnés à mort, compagnons du Christ en croix (Luc 23, 39-43). Progressivement le "bon larron" s’empare d’une part de choix dans la liturgie du carême. Très librement, au contact de l’homilétique latine et en particulier de la prédication augustinienne, une méditation pour aujourd’hui se laisse recueillir sur les lèvres du brigand montant directement au ciel. Ainsi, dans le cadre d’un cycle de conférences de carême, ce texte se propose de recueillir une triple lumière qui se lève du calvaire : le récit d’une confession exemplaire, le prix du memento qu’adresse au Christ le larron, l’itinéraire d’un lieu à l’autre. Car c’est pour aller vers cet Autre, que le larron est présent jusque dans la prière intime de saint Thomas d’Aquin.

 

La question de la peine de mort à la lumière du développement doctrinal de l’Église catholique (I)

Marie de l’Assomption, OP

Le 2 août 2018, un Rescrit de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi modifiait le n°2267 du CEC sur la peine de mort ; celle-ci est désormais considérée comme "une mesure inadmissible qui blesse la dignité personnelle", et qui ne peut donc être utilisée par les États comme sanction. Après avoir rappelé qu’il s’agit d’un texte normatif pour les catholiques, l’enjeu est de voir quel était jusqu’alors l’enseignement de l’Église, qui s’appuyait principalement sur celui de saint Thomas d’Aquin, et la considérait comme "une réponse adaptée à la gravité de certains délits, et un moyen acceptable, bien qu’extrême, pour la sauvegarde du bien commun", puis de montrer comment la prise de conscience croissante des implications de la doctrine sur la dignité de la personne humaine a entraîné la compréhension de son caractère illégitime, avant de répondre aux principales objections qui sont faites à cette modification.

 


 

Notes et lectures

Les Droits de l’homme dénaturé

Bernard Hubert

Les Droits de l’homme dénaturé, c’est le titre donné par M. Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (Strasbourg), à son livre qui retrace la transformation de la conception des droits de l’homme depuis la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948 jusqu’à la conception actuelle au sein de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). En effet, Grégor Puppinck, constate un abandon de la conception des droits de l’homme fondée à l’origine sur la nature humaine et la loi morale naturelle qui a laissé place progressivement à une conception fondée sur les droits de la personne conçue comme un individu de plus en plus désincarné, y compris dans sa dimension sexuée. Cet ouvrage bien documenté est composé de trois parties : 1. La fondation fragile de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ; 2. L’émergence et l’inflation des droits de l’individu ; 3. La dérive vertigineuse vers de nouveaux droits transhumains.

 

Bibliographie

Henry Spitzmuller (éd.), Carmina sacra medii aevi. Poésie latine chrétienne du Moyen Âge. IIIe-XVe siècles – Cédric Giraud (éd.), Écrits spirituels du Moyen Âge – André Vauchez, Jean-Robert Armogathe (éds.), Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme – Matthieu Arnold, Oscar Cullmann, Un docteur de l’Église – Robert E. Lerner, Ernst Kantorowicz, Une vie d’historien – Naissance de la Grèce, De Minos à Solon, 3200 à 510 avant notre ère – Odon Hurel, Saint Benoît.