Nova et Vetera, vol. 97, 2 / 2022

Nova et Vetera, n. 97, 2 / 2022

 

L’unité d’être et d’opérer du Sauveur

Simon Liot de Nortbécourt

En s’interrogeant sur l’acte d’être (esse) du Verbe incarné, Thomas d’Aquin maintient, dans la Somme de théologie, l’unité pure et simple de l’être personnel du Suppôt subsistant en deux natures complètes. Cependant, à l’article 4 de la question disputée De unione Verbi incarnati, il admet un être secondaire de la nature humaine du Christ. Loin d’être contradictoires, ces deux perspectives témoignent d’abord d’une réception remarquable des Actes des deuxième et troisième conciles de Constantinople, ainsi que de la doctrine patristique de la "Personne composée". Grâce au mûrissement de la notion métaphysique d’opération, située dans l’ordre de l’acte, et l’affirmation progressive de la nature humaine du Sauveur comme son instrument propre animé conjoint, l’Aquinate nous donne de contempler le mystère de Jésus-Christ dans son unité personnelle d’être et d’opérer : unité personnelle d’être complet, et unité numérique d’opération théandrique.

 

Dieu et le mal. Réflexions théologiques

Benoît-Dominique de La Soujeole, OP

La question de la relation que Dieu peut avoir avec le mal est complexe et difficile. L’article présente d'abord un certain nombre de distinctions pour éclaircir le problème. Ensuite il est exposé la réponse classique de l’École thomiste selon laquelle il convient d’harmoniser la causalité universelle de Dieu et son impassibilité. L’essai de J. Maritain et de Ch. Journet (la "motion brisable") est situé par rapport à la ligne traditionnelle. En finale l’Auteur suggère une voie de compréhension christologique entre la pure impassibilité de Dieu et sa simple passivité.

 

La mémoire auxiliaire de la vie théologale et lieu du combat

Jean-Thomas de Beauregard, OP

Dans la Bible comme chez les Pères ou dans la vie des saints, l’existence chrétienne se déploie sous le signe de la mémoire. Cette étude montre la dialectique de la mémoire entre initiative divine et réponse humaine dans la tradition juive assumée et surélevée par le Christ dans l’Église et dans la Tradition. Elle envisage aussi le bon usage de la mémoire dans la vie spirituelle chrétienne, avec la rumination de l’Écriture comme exercice de mémoire, le souvenir des grâces reçues comme devoir de mémoire indispensable au discernement de l’action de Dieu et à la formation de l’identité spirituelle. L’étude se penche ensuite sur l’articulation entre mal commis ou subi et mémoire, avec une réhabilitation de la honte et une évaluation critique de l’éthos de la blessure. Le parcours s’achève par l’enjeu de la purification de la mémoire, la "μνήμη Θεοῦ" et l’espérance théologale qui sont la fine pointe des rapports entre mémoire et vie chrétienne.

 

Réflexions philosophiques sur Dieu – la science – les preuves

Michel Ferrandi

L’article de M. Ferrandi examine, dans le livre Dieu – la science – les preuves de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies, la valeur de ce que les auteurs présentent comme preuve scientifique de l’existence de Dieu. Selon lui, on ne peut pas démontrer scientifiquement l’existence de Dieu, même en faisant référence à des théories puissantes comme le Big Bang ou le réglage fin de l’univers. Certes la théorie du Big Bang permet notamment d’approcher de l’idée de commencement de l’univers, mais de toute façon, il faudra passer par la voie philosophique pour remonter jusqu’à Dieu. M. Ferrandi diagnostique dans ce livre des faiblesses philosophiques, notamment épistémologiques, tout en lui reconnaissant une valeur de "connaissance préphilosophique de Dieu, posé à partir d’une adhésion de foi aux résultats de la science".

 

L’Annonciation d’après les Homélies sur saint Luc d’Origène

Valerry Wilson

Les Homélies sur S. Luc d’Origène jouent un rôle précis dans sa théologie mariale au point qu’au XIIe siècle, l’Alexandrin a été présenté comme docteur marial. Elles esquissent les thématiques essentielles de la vie du Christ en rapport avec Marie sa Mère à travers ces trois centres suivants : Annonciation-Incarnation-Rédemption. Contre les docètes, le didascale affirme que Jésus est vraiment né de Marie, la Vierge, que son âme humaine vient prendre chair en elle ; que Marie a conçu selon les mots de l’Ange à l’Ombre de la Puissance du Très-Haut. Origène souligne également la place importante de l’Esprit Saint dans l’Annonce de l’Ange à Marie. Rejetant les polémiques des hérétiques sur Marie, Origène réaffirme avec force la portée théologique de la conception virginale. Parce que né d’une Vierge, Jésus est exempt de toute concupiscence. Le Fils de Dieu a honoré le sein qui l’a porté : Marie a été protégée par Dieu de la corruption du péché et sa grandeur réside dans sa fidélité à dire fiat à Dieu, son Créateur. Elle a alors porté Celui qui l’a créée tout en restant Vierge. Origène développe la mission théologique de Marie dans l’œuvre de la Rédemption.

 


 

NOTES ET LECTURES

À propos d’une note de l’article « Pour en finir avec l’homosexualisation posthume de Jacques Maritain »

Nova et Vetera

Dans une note à sa lettre adressée à Frédéric Martel (« Pour en finir avec l’homosexualisation posthume de Jacques Maritain », Nova et Vetera, 2021/4, p. 435), René Mougel écrit : « Depuis la fin d’août 2019, F. Martel a le soutien public d’un “spécialiste internationalement reconnu de l’œuvre de J. Maritain”, dit-il, en la personne d’Yves Floucat, chantre de l’homophilie. » (Note 15, p. 446) L’expression « chantre de l’homophilie » a heurté et blessé Yves Floucat. (« Je ne comprends pas comment la rédaction a pu laisser imprimer une pareille calomnie », écrit-il à la rédaction de Nova et Vetera.)

L’expression « chantre de l’homophilie » est malencontreuse, et maladroite par son ambiguïté. Elle demande une clarification.

La note 15 de René Mougel se rapporte, sans donner la référence précise, à la lettre qu’Yves Floucat a adressée à Frédéric Martel et que celui-ci a publiée en ligne sur son blog en août 2019 avec l’accord de son auteur. Dans cette lettre, Yves Floucat affirme péremptoirement « une indéniable tendance homophile (plus ou moins consciente) chez Maritain » et donne sa caution à la thèse de Frédéric Martel dans Sodoma en ce qui concerne Maritain.

Le terme « homophilie » est équivoque : le mot peut être utilisé comme simple synonyme d’homosexualité, mais certains, comme Yves Floucat, l’utilisent pour désigner des relations affectives entre deux personnes du même sexe sans leur donner un sens sexuel.

De plus, dans l’expression « chantre de l’homophilie » employée par René Mougel, le terme « homophilie » (sans lever l’ambiguïté que nous venons de signaler) peut désigner la réalité signifiée par ce terme, mais il peut aussi se rapporter seulement au mot lui-même et à la notion d’« homophilie ». C’est en ce sens que René Mougel emploie l’expression « chantre de l’homophilie » et qu’il faut la comprendre : Yves Floucat prône et défend le terme « homophilie », qu’il applique à Maritain.

 

Bibliographie

FRANÇOIS ANGELIER, Georges Bernanos, La colère et la grâce – CLAUDE PEREZ, Paul Claudel, « Je suis le contradictoire » – ANDRÉ VAUCHEZ, Sanctuaires chrétiens d’Occident, IVe-XVIe siècles – Le Moyen Âge flamboyant, Poésie et peinture – DOMINIQUE MONCOND'HUI (dir.), L’espèce humaine et autres écrits des camps.