Nova et Vetera, vol. 89, 4 / 2014

Nova et Vetera, n. 89, 4 / 2014

 

In memoriam Guy Boissard

✠ Georges Card. Cottier, OP

La rédaction de Nova et Vetera rend hommage à son ami et collaborateur de longue date Guy Boissard, qui est décédé le 24 octobre 2014, au terme de plusieurs années de grave maladie. Elle y exprime toute sa gratitude pour le travail fidèle et discret accompli pour Nova et Vetera en qualité de secrétaire de rédaction, membre du comité de lecture et auteur. Avec un courage étonnant Guy Boissard a maintenu jusqu'à la fin sa collaboration à Nova et Vetera et dans les derniers temps il a œuvré tout spécialement pour la cause de béatification du cardinal Charles Journet.

 

Trisomie 21 : entre progrès et inquiétudes

Nova et Vetera

Un nouveau test non invasif est proposé aux femmes enceintes : une simple prise de sang permet de déceler la trisomie 21, avec une probabilité de presque 100%. C'est un progrès, car ce test permet d'éviter aux femmes à risques d'avoir recours à une amniocentèse, avec son risque (0,5-1%) de fausse-couche : on élimine ainsi un nombre important de résultats faux. Cependant cette pratique est doublement dangereuse : d'une part, si on la généralise à l'ensemble des femmes enceintes, le résultat en serait une éradication progressive de la trisomie par élimination des porteurs de la maladie. D'autre part, de nombreuses autres anomalies chromosomiques sont décelables, déjà aujourd'hui, dont le sexe de l'enfant. À terme c'est l'ensemble du génome qui sera aisément séquencé. L'éditorial de Nova et Vetera soulève quelques questions dérangeantes à ce sujet.

 

Connaissance et inconnaissance de Dieu

 Georges Card. Cottier, OP

Connaissance et inconnaissance de Dieu est la reprise amplifiée et précisée d'une retraite, prêchée par l'Abbé Journet à Ecogia près de Genève, en 1942. En passant en revue cette réflexion sur la manière humaine de connaître Dieu et de le dire, mais aussi sur ses limites et son dépassement par une connaissance infiniment plus haute, l'auteur parvient à montrer jusqu'à quel point la richesse du contenu, la valeur didactique et la beauté de l'écriture font de cet ouvrage un véritable chef-d'œuvre.

 

"Qu'est-ce que la Bible ?" selon Charles Journet ?

Mgr Charles Morerod, OP

L'auteur montre la manière dont Journet, dans ses ouvrages traitant de la Bible, réagit durant les années 1930 à une caricature protestante du catholicisme, qui s'appuie sur une certaine prétention à l'exclusivité de la fidélité à la Bible. Journet estime qu'en réalité c'est le protestantisme qui finit par avoir de la peine à garder la Bible et que cette situation apparemment paradoxale s'enracine de fait dans les principes mêmes de la Réforme, qui isolent la Bible de l'Église. Or la Bible a surgi dans l'Église et lui a été donnée. Sans l'Église et sa Tradition on ne peut savoir ce qu'est la Bible, ce qui entraîne des difficultés d'interprétation. L'auteur manifeste ensuite que la position de Journet concernant le rapport de la Bible avec la Tradition pour la connaissance du canon scripturaire et l'interprétation de l'Écriture, ainsi que le sens selon lequel on peut parler d'une certaine absence d'erreurs dans l'Écriture, loin d'être datée se rapproche fortement à la fois de la position ecclésiologique et pastorale de Vatican II et de la conscience œcuménique contemporaine.

 

Relire Lumen Ecclesiae. La personnalité de saint Thomas d'Aquin selon Paul VI

Samuele Pinna

Il y a quarante ans, le 20 novembre 1974, Paul VI promulguait la Lettre apostolique sur saint Thomas d'Aquin Lumen Ecclesiae à l'occasion du septième centenaire de sa mort. La relecture effectuée dans ces pages par l'Abbé Samuele Pinna met notamment en évidence les lignes fondamentales du portrait tracé par Paul VI du saint dominicain qu'il n'hésita pas à appeler « lumière de l'Église et du monde » (n° 1). L'importance de la Lettre de Paul VI résulte notamment de la portée universelle attribuée à la doctrine du Docteur médiéval, de la confirmation de ce que les Conciles antérieurs et d'autres Pontifes n'ont cessé de reconnaître à saint Thomas d'Aquin tout au long des siècles et encore de la mise en évidence de l'actualité de la pensée du Docteur Angélique en ce qui concerne tout particulièrement son réalisme critique.

 

Les béatitudes au cœur de la théologie de saint Thomas d'Aquin

Serge-Thomas Bonino, OP

Cette étude situe les béatitudes évangéliques dans le cadre d'ensemble de la synthèse théologique sapientielle de saint Thomas d'Aquin. Dans cette perspective, la Trinité sainte est la Béatitude ou Joie subsistante qui se communique de multiples manières aux créatures spirituelles. La béatitude parfaite du Ciel, qui consiste dans la vision immédiate de Dieu, est anticipée ici-bas chez les croyants par une béatitude imparfaite qui est le fruit de leurs actes excellents, les béatitudes, œuvre en eux des vertus surélevées par les dons de l'Esprit saint. Cette béatification progressive des croyants s'accomplit à travers une économie historique du salut, déterminée par les missions du Fils et de l'Esprit. C'est par le Fils et dans l'Esprit que le Père nous conduit peu à peu à la béatitude parfaite.

 

Transformer le monde ou faire la volonté de Dieu ? La tradition spirituelle contre l'idéologie de l'action

Yvan Mudry

Rien de mieux que de travailler, de travailler bien, de travailler beaucoup. Aujourd'hui, chacun ou presque est de cet avis, même les croyants. Ceux-ci auraient pourtant bien des raisons de modérer leur enthousiasme, affirme l'auteur. Car ils savent, par leur foi, qu'ils ne sont pas seuls à la manœuvre, et que la grande affaire n'est pas de produire, mais d'aimer. Ils savent aussi que l'homme ne vit pas seulement de pain et que l'essentiel est donné. Ils devraient donc se souvenir des conseils des maîtres de la tradition spirituelle, qui recommandent de ne pas "s'engager soi-même tout entier" dans ses tâches (Jean Tauler) ni de "s'empresser à la besogne" (François de Sales).

 


 

Notes et Lectures

Évangile et Providence

Gilles Emery, OP

Malgré le recours généralisé à la notion d’“histoire du salut”, beaucoup de théologiens demeurent dépourvus ou embarrassés lorsqu’il s’agit de rendre compte de l’action de Dieu dans le monde. Cette note de lecture présente le livre de Emmanuel Durand intitulé Évangile et Providence. Ce livre montre très bien l’universalité et la profondeur de l’action de Dieu qui prend soin de chaque créature dans sa particularité singulière. L’approche est biblique, patristique (Augustin), médiévale (Thomas d’Aquin), moderne (Newman) et contemporaine (discussions concernant l’action de Dieu et sa providence). Les ressources métaphysiques sont intégrées dans une réflexion de synthèse sur l’agir du Père par son Fils incarné dans l’Esprit Saint.

 

L’être et l’écran

François-Xavier Putallaz

En 1981, l’internet reliait 213 machines. Trente ans plus tard, on compte quelque 5 milliards de terminaux en réseau. Il importe de penser cette révolution, afin d’en mesurer l’ampleur. Pour ce faire Stéphane Vial fait montre d’une triple compétence : de philosophe, d’historien de la technique et de connaisseur du monde numérique et de son fonctionnement. Car c’est notre rapport au monde, à nous-même et finalement à l’être qui se trouve modifié. Cette longue note de lecture relève la qualité de l’analyse phénoménologique du numérique (on peut y revenir en arrière, s’y amuser, de manière interactive produire de l’être), quand bien même le présupposé kantien de l’auteur l’empêche de présenter une philosophie à la hauteur de ce qui se passe aujourd’hui.

 

Bibliographie

Michel Boyancé, Hommes, femmes, entre identités et différences ‑ Christophe Raimbault, L’avènement de l’amour, épître aux Romains, Chapitres 12 et 13 ‑ Jacques Wermeylen, Le Livre d’Isaïe. Une cathédrale littéraire.