Nova et Vetera, vol. 90, 2 / 2015

Nova et Vetera, n. 90, 2 / 2015

 

Notre Revue a-t-elle un saint fondateur ?

Mgr Charles Morerod OP

Depuis une année, la Fondation du Cardinal Journet est officiellement « acteur » de la cause de béatification du cardinal décédé il y a 40 ans (le 15 avril 2015). Cette cause tient à cœur aussi aux lecteurs et rédacteurs de Nova et Vetera fondée en 1926 par l’abbé Journet. En rappelant les conditions subjectives et objectives requises pour le déroulement d’un tel procès de béatification, l’article invite toutes les personnes intéressées à y prendre part par leurs témoignages, leur prière et le soutien dans l’œuvre de publication et diffusion de la pensée du cardinal genevois.

 

Eglise et monde. Plans de rencontre

Charles Journet

Nova et Vetera publie en ses pages la version originale, inédite en français, d’un article écrit par Charles Journet à la demande de la revue Studi cattolici et publié en italien dans cette revue. Il est rédigé en 1964 dans le contexte des débats conciliaires du « Schéma XIII » sur « L’Église dans le monde de ce temps », mais alors que Charles Journet ne participe pas encore au concile. L’année suivante, devenu cardinal, Journet reprendra et développera le thème de cet article dans son intervention du 2 octobre 1965 au concile, à propos de la Constitution pastorale sur « L’Église dans le monde de ce temps » : « Quel mystère est le monde ».

 

« Bienheureux les cœurs purs car ils verront Dieu »

Georges Card. Cottier OP

La grande charte évangélique que constituent les chapitres 5-7 de l’Évangile de Matthieu est introduite par le discours sur les béatitudes qui en exprime les principes inspirateurs. Les béatitudes forment un tout. Saint Thomas, à la suite de saint Augustin, voit dans leur ordre une gradation qui a son achèvement dans la béatitude des pacifiques et dans celle de ceux qui sont persécutés pour la justice. Dans sa méditation, l’auteur vise à préciser quelle relation existe entre la béatitude des cœurs purs et la vocation du théologien et celle du philosophe chrétien.

 

L’adoration eucharistique : des voiles pour la vision

Emmanuel Perrier OP

On conçoit généralement l’adoration eucharistique comme une forme de la prière chrétienne centrée sur la “présence réelle”. Mais n’est-ce pas vrai de toute prière portée par la vie théologale ? Si l’on veut comprendre ce que l’adoration eucharistique a de propre il est donc nécessaire de regarder plus précisément en quoi elle consiste : un acte de vision corporelle porté vers le sacrement du corps du Christ. Cet acte, lorsqu’il est soulevé par la foi, traverse comme deux voiles pour atteindre l’union amoureuse au Christ Sauveur : le voile du sacrement, et le voile de la chair du Verbe. Adorer l’eucharistie revient à accomplir chrétiennement le rituel juif du Grand-Prêtre au Temple de Jérusalem, qui entrait chaque année dans le Saint des Saints en traversant deux rideaux, pour y prononcer le Nom révélé à Moïse. Sous cet éclairage, il devient possible de détailler quels chemins pratiques doit suivre l’adoration eucharistique pour porter tous ses fruits.

 

Le « monothéisme trinitaire »

Gilles Emery OP

Le terme « monothéisme » est issu de la typologie philosophique des religions dans les temps modernes. Il convient de le saisir avec précaution si l’on veut éviter de « gommer ce que chaque religion a de propre au profit d’un théisme mal défini » (R. Brague). L’article tente de préciser le sens qu’il convient de donner à l’expression « monothéisme trinitaire ». Il ne suffit pas d’affirmer l’existence d’un seul Dieu mais il faut aussi voir que Dieu est « un » en lui-même : c’est la simplicité de Dieu. Il faut encore voir comment ce Dieu est « un » : Dieu est un en trois personnes d’une unique essence. C’est la communion trinitaire. Et il faut enfin voir quelles relations ce Dieu « un » entretient avec le monde et avec les hommes (création, grâce et gloire) : le monothéisme trinitaire est un monothéisme de l’union avec Dieu par l’envoi du Fils et du Saint-Esprit qui constituent l’église, en vue de l’union plénière avec Dieu Trinité par la vision de son essence.

 

La vie consacrée dans le mystère chrétien

Benoît-Dominique de La Soujeole OP

Cette année étant l’année de la vie consacrée, l’article propose de revoir un certain nombre de fondamentaux concernant cette forme de vie chrétienne : les origines de la vie consacrée (le Christ ou une institution humaine ?) ; le « cœur » de la vie consacrée (les conseils évangéliques et la vie commune) ; la vie consacrée une et diverse, ainsi que sa place dans le mystère de l’Eglise.

 

Analogie métaphysique et suranalogie de la foi

Michel Ferrandi

Dans l’approche de Dieu, qui est le sommet de la métaphysique, l’analogie pousse nos concepts au-delà de leurs limites et nous font toucher l’Être infini dans une certaine nuit. Mais cette nuit n’a pas le même statut en métaphysique, en théologie et en mystique. C’est pour avoir confondu ces trois registres que Heidegger en est venu à chercher l’accomplissement de la métaphysique dans le discours poétique.

 

Le désir d’immortalité à l’aube du troisième millénaire : enjeux anthropologiques

Bernard. N. Schumacher

Le désir d’immortalité transcendante semble appartenir pour bon nombre d’auteurs contemporains définitivement au passé. Il s’agit dès lors de ne pas se laisser déstabiliser par la réflexion autour de la mort, afin de vivre pleinement cette vie de manière heureuse. Les différentes propositions, qu’elles soient épicurienne, stoïcienne ou heideggérienne, témoignent toutes d’une humble reconnaissance de l’impuissance que l’on éprouve face à celle qui prive si brutalement de l’existence. Les tenants du transhumanisme refusent toutefois de se soumettre à la mort en l’attaquant frontalement : la mort ne serait qu’un accident dans le processus du vivant, qu’un défaut organique. On peut en guérir et atteindre en quelque sorte l’immortalité tant rêvée. Ces attitudes de refus d’une immortalité transcendante présupposent une réduction de la réalité à ce que la volonté et la raison sont en mesure de maîtriser. De tels refus reposent sur une conception de l’autonomie du sujet qui ne permet pas d’envisager que l’on puisse recevoir l’immortalité comme un don tout en restant profondément libre. Bref, au cœur du désir d’immortalité, est à l’œuvre une perception anthropologique impliquant la dimension de l’altérité et de la disponibilité ; une dimension qui échappe à la maîtrise et, de ce fait, peut recevoir gratuitement l’immortalité comme un don.

 


 

Notes et Lectures 

Péguy, un pont entre deux mondes

Jean-Charles Zay

La nouvelle édition des œuvres poétiques et dramatiques de Péguy dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade », sous la lumineuse direction de Claire Daudin, permet d’apprécier dans toute sa richesse et sa profondeur l’œuvre d’un génie, dont le retour à la foi s’est opéré sans que soit reniées ses convictions républicaines. Elle établit les liens utiles avec les œuvres en prose, montre par là la cohérence de l’œuvre, et apporte de précieux éclaircissements sur la vie de Péguy.

 

Bibliographie

Regis Burnet, Les Douze Apôtres, Histoire de la réception des figures apostoliques dans le christianisme ancien ‑ Regis Burnet, Jeanne Raynaud-Teychenne, Judas, le disciple tragique.